mercredi 24 juin 2009

Personnalités originaires de l'actuel M'daourouch


Tahar OUETTAR
IL se situe parmi les figures littéraires incontestables sur la scène artistique en Algérie. Il est né à Sedrata un petit village dans l’est algérien, écoutant le parler de cette période « Je suis né dans un douar de la compagne, d'une famille qui comptait quatre garçons, mon père en a mis deux à l'école de langue française, deux à l'école en langue arabe. J'ai vécu dans la pureté, de l'existence, nourri du spectacle des collines sur lesquelles tombait le crépuscule, jouant de la flûte derrière les brebis et les oies. J'ai été témoin de l’herbisme. Ma mère accouchant toute seule, ma mère encore montant la garde la nuit sur le toit. J’ai saisi le sérieux de la nature et des hommes qui m’entouraient. Dans le coran que j’apprenais par cœur, j’ai reconnu l’éloquence et la beauté. Ceci se passait avant la Révolution ; depuis d’autres facteurs sont venus enrichir ma personnalité ».


Il s’installe après à M'daourouch , où il a vécu la meilleur période de son parcours. « Là, il a découvert une autre société, des vêtements et une langue étranges et une autre façon de vivre. Il se mit à méditer tout en apprenant ou en enseignant le saint Coran ». Il rejoint après l'école de l'association des Ulémas qui a ouvert en 1950, il se distingue parmi les meilleurs élèves. « Après l’école de M'daourouch, les études le conduisant successivement à l’Institut Ben Badis Constantine puis à la Zitouna de Tunis (début 1954) » Durant les années 50, il adhère au socialisme, en lisant les récits épiques.

Il commence à publier dans les journaux vers 1955. Depuis 1989 il préside L’Association Culturelle « ALJAHIDHIYA ». Il a beaucoup parlé de la région de son enfance dans ses œuvres. Parmi ses dernières publications ; Le Saint TAHAR Regagne Son Sanctuaire et Le Printemps Bleu.

M'daourouch. (2009, juin 23). Wikipédia, l'encyclopédie libre. Page consultée le 15:44, juin 24, 2009.
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FARAH Mamaar




NOM : FARAH - PRENOM : MAAMAR

DATE DE NAISSANCE : 24 Octobre 1950
LIEU DE NAISSANCE : M’daourouch, Algérie

ITINERAIRE : Entre au quotidien de l’Est algérien (AN NASR) en 1970 – Journaliste stagiaire durant 2 années. Rejoint la rédaction d’El Moudjahid en 1972 – Journaliste professionnel, commentateur, reporter, grand reporter et éditorialiste. En 1984, rédacteur en chef adjoint. En 1985, prépare et lance, en tant que directeur de la rédaction, le quotidien du soir, « HORIZONS ». Tirage en 1987 : 350.000 exemplaires. A la faveur des réformes de 1990, lance, avec quatre confrères, le premier quotidien indépendant (LE SOIR D’ALGERIE) et devient le premier directeur de la rédaction de ce journal. Quitte les rédactions en 2003, mais anime toujours une chronique hebdomadaire et un billet quotidien dans « Le Soir d’Algérie »

PUBLICATIONS :

- Les mots du jeudi, recueil de chroniques tome 1 (juin 2004)

- Bassamet, recueil de chroniques en arabe (juin 2004)

- Les mots du jeudi, recueil de chroniques tome 2 (juillet 2005)

- Les sirènes de Cap Rosa, roman (Octobre 2005)

- Soleils d’hiver, nouvelles (Novembre 2005)

- Express de nuit, carnets de voyage (Juillet 2007)

- Le rêve sarde, roman

(Juillet 2007)

300 Pause café, recueil de billets (Août 2008)

E-mail : farahmaamat@ymail.com

Principaux Ouvrages

LES SIRENES DE CAP ROSA

A l’origine scénario d’un téléfilm refusé par la télévision algérienne (1985) pour des raisons aussi absurdes que futiles, « Les sirènes de Cap Rosa » est un voyage dans l’Algérie « révolutionnaire » des années soixante-dix avec, pour cadre, la région verte et pittoresque d’El Kala, pays des lacs et région la plus humide d’Algérie. C’est l’histoire d’un amour impossible bercé par la brise méditerranéenne. C’est l’histoire d’une amitié entre deux jeunes aux idées divergentes. C’est l’histoire d’un rêve utopiste brisé… Au bout, la désillusion et la terrible descente aux enfers et une seule certitude : plus rien ne sera comme avant…

LE REVE SARDE

Depuis quelque temps, les jeunes algériens sont de plus en plus nombreux à partir dans des barques de fortune vers la Sardaigne, à la recherche du paradis promis. En arrivant sur cette plage du bout du monde, après avoir quitté la Capitale et une vie jusque-là stable, bien que perturbée par un emprisonnement injuste, Karim, presque la soixantaine, ne se doute pas qu’il va connaître la « harga » (tentative d’émigration clandestine) avec six jeunes aux destins divers.

Sur cette plage, il connaîtra l’amour et un début de troubles psychologiques qui lui font subir un va-et-vient incessant entre le rêve et la réalité. Un personnage central peuple les deux monde : sa jeune amoureuse et son double.

Après bien des péripéties et un drame qui le marquera profondément, il repart en Sardaigne. Avec un visa en bonne et due forme.

« Chaque matin, il regardera vers le sud, en espérant que, là-bas, les choses changeront un jour. Tôt ou tard, la bêtise reculera. Il sait que c’est possible. Mais en attendant, il s’est juré de s’occuper des jeunes qui arriveront par la voie des mers.

Des jeunes de plus en plus nombreux à courir derrière le « rêve sarde ».

EXPRESS DE NUIT

Dans des trains qui filent dans la nuit noire, l’auteur fait des rencontres fortuites. Destins divers déclinés dans la douce ambiance d’un bar-restaurant ou l’espace étroit d’un fumoir. Vies brisées et recollées. Confidences qui traînent jusqu’au petit matin. Vérités dites par des femmes et des hommes que l’on ne verra plus et qui s’en iront, une fois arrivés au Terminus, semblables aux autres anonymes noyés dans la foule régurgitée par les grosses rames.

Dix-huit étapes dans des pays proches et lointains : Algérie, Yougoslavie, Pologne, RDA, Roumanie, URSS, Chine, Corée…

SOLEILS D’HIVER

Dix-huit nouvelles avec, pour toile de fond, ce soleil hivernal propre à l’Algérie, aveuglant par sa lumière mais si réconfortant par sa douce chaleur. Ces Nouvelles traitent de la désillusion et du grand désespoir qui s’est installé dans nos cités modernes. C’est aussi un voyage au bout de la solitude, cette solitude si effrayante lorsqu’elle est s’entoure de la foule bigarrée, présente par le nombre, mais tragiquement absente…

300 PAUSE-CAFE

Recueil de billets parus en page 1 du quotidien « Le Soir d’Algérie ».

Source: http://www.paperblog.fr

L'Ane d'or, d'Apulée de Madaure


Œuvre monumentale d'un écrivain berbère de langue latine, datant du IIe siècle, elle attend toujours sa traduction en arabe.

L'année 2008, consacrée à la traduction, étant passée, il est de bon ton de revenir sur ce qui nous semble être l'essence et la substance même de cet événement, à savoir la traduction des oeuvres, du moins celles qui présentent les caractères d'un esprit universel.

A ce titre, il en est une qui mériterait que l'on s'y penche sérieusement et avec le recul indispensable pour juger de l'urgence ainsi que de la nécessité d'une telle action. L'oeuvre en question est L'Ane d'or ou Les Métamorphoses d'Apulée de Madaure (125-180), écrite en latin à Carthage en l'an 161.

Le Pr Jelloul Azzouna, dans une étude publiée dans le dernier numéro de La Revue sadikienne et consacrée à Apulée, auteur libyco-berbère étudié, commenté et apprécié en Occident et à son roman, considéré comme étant l'un des plus singuliers et des plus remarquables du génie humain, au même titre que Le Satiricon de Petrone, s'est fait l'écho de maintes exhortations réclamant à cor et à cri, et avec insistance, la traduction en arabe de cette oeuvre.

Notamment celle de feu Mohamed Bachrouch qui avait appelé, dès les années trente et quarante sur les ondes de la radio de la ville de Tunis, à la nécessité de traduire en arabe tous les textes écrits par les Africains (Magon, Tertullien, Apulée de Madaure) en grec et en latin. D'autres ont aussi appelé pour l'émergence et l'étude de la littérature tunisienne préislamique.

Le Pr Jelloul Azzouna s'est employé, dans le passé, à publier deux études autour de L'Ane d'or. La première, en cours d'une seconde édition, est intitulée «La vie quotidienne et populaire d'après l'oeuvre d'Apulée de Madaure», et ce, dans le cadre de l'unité de recherche sur la littérature maghrébine ancienne ; la seconde est intitulée «L'Erotisme dans L'Ane d'or d'Apulée», publiée chez Cérès Editions en 1997.

Dans les pays arabes, L'Ane d'or n'a attiré l'attention que tardivement. En Tunisie, Ibrahim Ben M'rad et Abdelkader Ben Hédia en 1975. Des traductions partielles publiées dans les revues Qisas et Al Hayat al thaqafiya. En Libye, dans une traduction expurgée par A.F.Khéchime, en 1980 pour Floride et en 1982 pour Apologie.

L'auteur de cette étude reproche à la traduction d'un choix de textes d'Apulée par Mohamed Larbi Abderrazak un manque de naturel, un côté affecté et factice, très loin de l'esprit de l'oeuvre originale dont la langue est très proche de la spontanéité populaire, du débit du conte et de la prose d'Apulée.

La traduction ici, écrit le Pr Jelloul Azzouna, est trop intellectuelle et fait perdre au texte, tel qu'il apparaît dans les deux traductions françaises, sa vivacité et sa fraîcheur.

La métamorphose de l'âne d'or

Au départ, une question se pose : pourquoi Isis est-elle présentée comme la déesse qui sauve Lucius de sa condition d'âne, lui permettant ainsi de retrouver son humanité alors que le panthéon gréco-latin grouille de déesses et de divinités ?

Ce choix est celui d'Apulée qui se convertit, à la fin de sa vie, à la religion d'Isis, devenant même un des prêtres de la déesse, détenteur de ses mystères.

Sachant aussi que cette religion orientale, d'origine égyptienne, n'a cessé de se propager d'une façon spectaculaire dans tout l'empire romain durant les premiers siècles de la chrétienté, en sérieuse concurrence avec elle, elle aura été la dernière religion à lui tenir tête jusqu'au VIe siècle.

Pour Apulée, ce berbère fier de ses origines et imbu de culture classique, le choix d'Isis n'est pas dû au hasard. C'est comme si pour cet Africain versé dans la mythologie grecque et romaine, il ne s'agit là que d'un retour aux sources orientales qui plongent leurs racines dans les mythologies indo-européennes.

La métamorphose est, selon Apulée, nécessaire pour apercevoir la «réalité divine» ou pour accéder à l'immortalité divine. L'âne disparaît, meurt. Cette mort est le commencement d'une nouvelle vie, de la vraie vie.

Le vieil âne est dépouillé de sa carcasse. C'est le départ vers une nouvelle vie spirituelle. Isis «illumine la conscience de Lucius d'un nouvel ordre intelligible». La métamorphose est donc un «voyage intérieur», de loin le plus difficile des voyages, le plus périlleux et le plus risqué.
Liens Pertinents

La métamorphose de Lucius en âne fait apparaître la dualité corps/âme. La peau d'âne et la vie d'âne correspondent à l'aspect matériel et animal de la vie de perdition, de plaisirs et de l'irresponsabilité, alors que le retour à l'aspect humain est perçu comme une renaissance, une résurrection.

Isis est synonyme de l'africanité, de ce retour au terroir, à ces croyances berbères ancestrales qui, au-delà des dieux de l'Olympe, font apparaître le panthéon ancien moyen-oriental comme le seul horizon pour une compréhension profonde à la fois de l'univers et de sa propre âme.

«C'est là, en tout cas, une lecture possible, parmi tant d'autres de ce roman éternel, pour lequel nous renouvelons notre appel pour sa traduction intégrale en arabe et à partir du latin directement et non plus à partir du français ou de l'anglais, comme ce fut le cas jusqu'ici», conclut le Pr Jelloul Azzouna

Adel Latrech 12 Janvier 2009

APULEE, ECRIVAIN AMAZIGH


Par:Hassan Banhakeia (Université d’Oujda)

«Les hommes d'abord muets, parlèrent primitivement, comme nous le montrerons, en écrivant»

(G. Vico, La Science Nouvelle)

L'étude suivante répond essentiellement à deux motifs, d'une part à une absence manifeste des études qui traitent des rapports qui unissent l'héritage oral amazigh à la littérature écrite par des Imazighen dans d'autres langues... Si l'oral véhicule l'écrit, si l'oral est à l'origine de l'écrit et si l'oral rend compte d'abord de «l'être collectif parlant», que serait-il de la «voix collective» des Imazighen dans leur création? Que serait-il des éléments identitaires (de la culture maternelle) au sein d'une œuvre? Y a-t-il une partie irréductible, propre à l'auctoriel, attachée à la langue amazighe de tradition non écrite, dans toute création? C'est précisément ce que nous appelons amazighité, c'est-à-dire cette essence irréductible de définition pour un amazigh, à laquelle le créateur ne peut échapper dans sa création: des idées et des sensations millénaires le «traversent» spontanément pour se verser dans d'autres moules étrangers, d'autres moyens de concrétion. Elle est son être premier.

D'autre part, rares sont les étudiants qui savent qu'Apulée est un écrivain amazigh, rarissimes sont encore les étudiants qui n'ignorent pas que “L'âne d'or” est considéré comme l'un des premiers romans, dans sa forme connue, de l'humanité. Il ne s'agit pas là d'un seul exemple au sein de la culture amazighe, il y en a bien sûr d'autres. Citons Saint-Augustin (354-430) et ses Confessions, Tertullien (155-225), Saint Cyprien (200-258) et ses Lettres, Arnobe (deuxième moitié du III siècle) et son «pari» Contre les païens, sans oublier le célèbre dramaturge Térence (-190, -159)…



Que dire alors d'Apulée? Est-il amazigh? Apparaît-il soucieux de sa mémoire collective dans son texte romanesque? Lui, il s'est toujours défini comme «demi Numide et demi Gétude». Numides et Gétules, rappelons-le, sont les autochtones de l'Afriques du Nord. Là, il y a une déclaration de l'identité culturelle: mi-amazigh et mi-amazigh, c'est-à-dire qu'il est totalement (ou doublement) amazigh. Sa conscience de l'identité s'avère alors claire.

Dès lors, comment Apulée posera-t-il le problème de l'identité dans son œuvre romanesque ?



1 - Apulée, un écrivain amazigh

Il était une fois un écrivain amazigh sans l'être. Destin écrit, mais jamais transcrit. C'est bien Apulée.

Né en 125 à Madaure (M'daourouch, département de Constantine, Algérie), de parents amazighs. Issu d'une famille aisée (son père travaillait comme responsable municipal de Madaure), il fait ses études à l'école de sa ville natale (Saint Augustin y sera également élève) où il arrive facilement à maîtriser le latin.

 l'âge de dix-sept ans, il s'inscrit dans la célèbre université de Carthage (Tunisie) où il excelle en rhétorique et sophistique, ces deux exercices intellectuels sont manifestes dans les différentes digressions du roman sous forme de mise en abyme. Cependant, le jeune étudiant ne rêve point de faire carrière au barreau, les lettres l'attirent plus.

Tenté par l'Orient et la philosophie, il voyagera à Athènes. Ainsi, il va devenir plus hélleniste que latin: son chef-d'œuvre est annoncé comme propre d'un héritage héllenique. Là-bas, il s'initie au Néo-platonisme. Ses préoccupations ne sont pas seulement philosophiques, il étudie également la grammaire grecque, la musique, la physique et d'autres sciences.

Toujours poussé par la curiosité d'un encyclopédiste, il voyage jusqu'en Asie Mineure, en Egypte à la recherche de l'aventure et du savoir. Dans ces pays, il connaît de près, et surtout, l'héritage religieux et mystique de ces cultures: les mystères d'Eleusis et de Mithra, le culte des Cabires. Les religions de Dionysos et d'Isis sont celles qui suscitent davantage son intérêt; il se convertit tout d'abord à la religion d'Isis, ensuite admis comme prêtre lors de son séjour à Rome.

Seulement la nouvelle de la mort de son père l'oblige à rentrer dans sa ville natale. Grâce à l'héritage de la fortune et des responsabilités municipales de son père, il devient riche et très influent. Nonobstant, il ne s'y installera définitivement car il n'a point perdu le goût du voyage et de la recherche du savoir.

Apulée voyagera ensuite pour vivre à Carthage, il y travaillera comme conférencier mondain. Il pouvait parler sur n'importe quelle discipline de la philosophie jusqu'à la magie, en passant par la médecine, l'astronomie, les sciences naturelles et la musique. Son savoir interdisciplinaire ou encyclopédique lui vaut une grande renommée jusqu'au point que les autorités élèvent une statue de son vivant. Il devient président du Conseil provincial et grand-prêtre de l'Afrique. Des pièces de bronze sont frappées à Rome à l'effigie d'Apulée avec, au revers, une scène des «Métamorphoses» (IV siècle après J.-C.). On les trouve à la Bibliothèque nationale, dans le cabinet des Médailles.

Si sur sa vie, nous avons suffisamment d'information, sur sa mort nous n'avons pas d'indication précise. Nous ignorons l'année, le mois, le jour, le lieu, les circonstances de son décès. Pourquoi? Sa mort se présente à la fois magique et comme celle de tout amazigh: un jet final et brusque dans l'effacement (les exemples ne manquent pas…) Ce que retiennent les livres d'histoire, c'est qu'Apulée est mort après 170 à Carthage, sans aucune autre précision.



II - Œuvre d’un amazighiste

L'œuvre d'Apulée est immense, elle traite de la philosophie, de la rhétorique, de la magie, de l'histoire , de la théologie et de la cosmologie. Bien que son unique chef-d'œuvre reste le roman “L'Ane d'or” écrit aux environs de 161, il est important de citer les autres textes:

- L'Apologie (Apulei Platonici pro se de magia) est un texte rédigé lors de son procès pour crime de magie. L'auteur se défend magistralement devant le proconsul Claudius Maximus. Selon L'Encyclopédie Berbère, ce texte est d'un grand intérêt historique car il «offre quantité de renseignements sur son auteur, la magie et la vie en Afrique au II siècle.» (L'Encyclopédie berbère, p.822). Egalement, trouve-t-on dans l'Apologie une source biographique.

- Les Florides sont publiées en 160. Il s'agit d'un répertoire de conférences réunies par un élève d'Apulée. Il y est question surtout des impressions et des réflexions de l'écrivain voyageur. Le narratif, le descriptif et le purement doctrinal s'immiscent donc dans tous les essais/récits (au nombre de vingt-trois). Ce texte est également important pour connaître maints aspects de la réalité en Afrique du Nord.

- De deo Socratis (Sur le dieu de Socrate) est un texte de magie: il parle sur l'univers des démons. Ces êtres mystérieux sont présents simultanément dans le monde divin et le monde humain. Ils sont de trois groupes: démons captifs de corps, démons libérés du corps et des démons qui n'ont pas connu de captivité physique. Bien que le texte recherche le côté démoniaque chez Socrate, il invite le lecteur à retrouver la sagesse.

- De Platone et eius dogmate est un traité philosophique sur l'éthique et la physique chez Platon. Il s'agit d'une lecture faussée du philosophe grec au moment de traiter la question de la morale.

- De mundo traite la cosmologie et la théologie. Apulée y expose l'idée que Dieu est à l'origine de la vie de tout.



III - Présence de l’auteur

L'art, en général, tend à extérioriser l'être de l'artiste à travers la pratique de l'écriture. Qu'en est-il alors de la présence de l'auteur dans “L'Ane d'or”?

Apulée, loin de «réfléchir» son être dans le texte, manifeste sa présence derrière des mécanismes romanesque et des figures, en ayant pour objectif d'exercer une certaine maîtrise sur le personnage, et par là sur le lecteur. Ainsi, tout passage se réfère, de façon explicite ou implicite, à un système de pensée. L'Ane d'or se meut dans ce sens; le roman devient une entreprise, sous forme d'une recherche infinie de la conscience «maternelle». Apulée, en récrivant l'histoire grecque, rajoute librement des passages authentiquement amazighs.

Il nous revient de saisir la parole de l'écrivain au sein du roman, et de souligner que distinguer le discours de l'auteur au sein d'un texte ou d'un passage est une tâche critique aventurière, qui pourrait être source d'un jugement erroné. De là, les difficultés de discerner clairement les propos de l'auteur des différents discours des personnages, des situations, des descriptions qui forment l'œuvre, ne sont pas à démontrer. Dans L'Ane d'or, la voix auctorielle est souvent explicitée dans la construction de la fiction ou dans le choix des idées et des motifs, sinon sous-entendue par le biais de correspondances établies entre sa culture nord-africaine et les autres cultures, au sein du texte toujours...

A ce propos, nous lisons: «j'ai trop bonne opinion de toi et de ta culture; je sais que, non seulement la noblesse innée de ta condition, non seulement l'élévation de ton esprit mais le fait que tu as été initié à un grand nombre de religions t'ont enseigné à observer scrupuleusement le devoir du silence.» (P.81) C'est Photis, une bonne, qui parle. Ici, nous avons la condition de l'amazigh ( à rattacher à «noblesse innée»). De même , une explication de la perte de l'identité de l'amazigh: la diversité des cultes…

Rappelons aussi qu'il existe des textes qui sont faciles à lire dans la mesure où le message de l'auteur passe directement ou clairement; dans d'autres au contraire, le point de vue de l'auteur reste inconnu. Les textes d'Apulée sont complexes au moment où le lecteur se pose la question suivante: Que veut-il dire par là l'auteur? Où pourrait-on saisir la présence / l'ombre du point de vue de l'écrivain dans les Apologies? La présence d'Apulée n'est pas plus ostensible dans L'Ane d'or du fait que le protagoniste dévoile ses déambulations pour rejoindre notre univers des métamorphoses.

D'ailleurs, dans les Apologies, de son propre aveu, l'auteur essaye d'exposer tous ses idéaux et convictions. Le lecteur découvre enfin le vrai Apulée même si la présence de l'auteur s'avère camouflée derrière un ensemble de techniques et de procédés de rhétorique qui défont le texte classique. Sa conscience se trouve enfin dévoilée: en tant qu'amazigh il s'oppose à la tradition latino-grecque. Ce chef-d'œuvre est strictement une conscience intellectuelle; la présence auctorielle y est claire, donc facile à dé-construire…

Faut-il dire que toute œuvre est recherche d'une précise articulation de la vie de l'auteur ou sert-elle tout simplement de medium ou de procédé pour mener à bien un projet scriptural?





IV.- Poser le problème de la langue amazighe…

«j'obtins quelques petits profits au barreau en plaidant dans la langue des Romains» (p.282)

La langue maternelle, au cas où elle ne forme pas partie des langues «dominantes», constitue un handicap pour l'écrivain à se lancer dans la littérature «écrite». Ce problème s'est-il posé précisément pour Apulée? Cette interrogation est valable pour tout amazigh qui prend l'initiative humaine d'«extérioriser» ses pensées et ses sentiments, au moment où rien que la langue écrite de l'autre lui offre cette possibilité. Apulée était, à coup sûr, conscient du dilemme. Justement, nous lisons dès les premières pages de L'Ane d'or : «Aussi demandai-je d'avance l'indulgence, si, maniant maladroitement un idiome qui m'est étranger et extérieur, je commets quelque faute.» (p. 31) Ici, il avoue son incapacité d'écrivain à maîtriser parfaitement une langue étrangère. Autrement dit, on ne maîtrise que sa langue maternelle! Outre cette conscience «linguistique», nous déduisons la peur ressentie par le romancier vis-à-vis de la langue étrangère. S'agit-il au fait de commettre quelle faute? Est-ce une faute purement «de langue» et de culture ou vis-à-vis de soi-même? Est-ce là l'appréhension d'entreprendre une nouvelle œuvre ou bien la peur de ne pas être fidèle au premier texte (écrit ou narré) ?

D'ailleurs, par le simple acte d'écrire en n'importe quelle langue, il est possible de parler d'un projet humain articulé essentiellement par la vision de l'écrivain; le projet scriptural est à lire comme un système de pensée particulier (propre à l'écrivain) issu d'une culture précise (maternelle). Encore, par la composition du texte, y a-t-il investissement d'éléments subjectifs, émanant de la mémoire collective. De là, nous pouvons noter que des références à la culture amazighe (nord-africaine) abondent dans le texte final L'Ane d'or. Des éléments propres aux règnes animal (âne, hibou), aquatique (puits…) et abstrait (rêve, référence identitaire) apparaissent dans le texte, munis de significations symboliques, culturelles et humaines où la portée principale reste celle exploitée et investie par la culture maternelle.

D'autre part, la structuration du texte connaît un agencement propre à l'écrivain, une composition régie essentiellement par l'art de narrer les contes, élément soustrait de la tradition. Des phrases longues, envergure de la parole. De même, l'art d'expliquer les événements relève aussi de cette même source. Notons que dans son raisonnement, pour bon rhéteur qu'il fut, Apulée utilisait un «curieux système de défense semi-indirecte. Insistant sur des griefs accessoires, il joue de l'ironie: “Etre beau et savoir parler,! graves accusations que je voudrais bien mériter!”» (Encyclopédia Universalis) Ce n'est point un système curieux! Là, il s'agit d'un apport net de la rhétorique et de la poétique maternelles, c'est-à-dire ce raisonnement émane «physiquement» de la langue amazighe pour s'investir dans un autre système (le latin), et c'est ce qui fait son «étrangeté» (autrement dit son authenticité).

Ainsi, le problème de la langue de la création, quand elle est étrangère à la maternelle, pose ainsi des interrogations tant au niveau structurel qu'au niveau des idées. Donc, quelle serait la distance qui sépare Apulée de sa culture maternelle? Nous dirons qu'il écrira inconsciemment (automatiquement) sa culture à travers les lignes de L'Ane d'or dans une langue étrangère.

V - L’Ane d’or, roman amazigh

Ce roman est une adaptation latine d'un récit grec intitulé Lucius ou L'Ane écrit par Lucien de Samosate, à son tour, une autre adaptation des Métamorphoses de Lucius de Patras, texte inexistant. De par son titre, Asinus aureus, nous avons les deux termes traduits «littéralement» en tamazight: «Asnus n waregh». Sont-ils donc des emprunts? Du latin à tamazight ou vice versa, il n'y a pas de différence lexicale, en ce qui concerne les deux termes: «asnus» (âne) et «uregh» (or).

Le roman L'Ane d'or est ouvert; maints récits s'y greffent librement, diversifiant ainsi les péripéties du récit. La narration est un va-et-vient continu entre le vécu et le raconté qui redonnent au texte un équilibre optimal. Il ne s'agit pas de brassage, mais plutôt d'orchestration. L'histoire se compose de 11 parties. Lucius, un jeune Thessalien issu d'une famille aisée, va en voyage à Hypata. Il loue une chambre, précisément chez une sorcière nommée Photis. Menant une recherche contradictoire du plaisir et du savoir magique, il eut des relations affectives avec sa servante. Grâce à cette dernière, il tentera de connaître la magie de Photis. Se trempant d'onguent magique, il devient âne au lieu d'oiseau. Pour retrouver sa forme humaine, il faut qu'il mange une rose. Alors, un grand nombre d'aventures commence pour l'animal, dans sa quête d'un rosier.

Le malheureux animal est volé par des brigands qui vivent dans les montagnes. Là, il connaît Charité, une fille captive. Durant ce séjour, il écoute la servante des brigands raconter à la prisonnière la fable des amours d'Eros et de Psyché. Dans la littérature orale des Imazighen, nous avons une autre version du conte/mythe, mais dénué de sa charge mythologique. C'est l'histoire d'une jeune mariée qui n'a jamais vu le visage de son mystérieux époux nommé «Tinaxda». Il rentrait la nuit et partait à l'aube, prohibant à sa femme de le voir. En contrepartie, amoureux de sa femme, il la comblait de cadeaux et d'amour. Ses sœurs aînées, jalouses qu'elles étaient du bonheur de leur petite sœur, vont lui conseiller d'essayer de percevoir la forme de l'époux. Une nuit, assurée du sommeil profond de Tinaxda, elle se penche sur lui pour voir sa physionomie. La lampe découvrit des peaux que la jeune commença à déplier tout en chantant, les larmes aux yeux. Arrivée à la dernière (la septième) peau, elle laissa tomber une larme qui brûla le mari endormi. Furieux, il quittera la jeune femme qui doit, afin de récupérer la confiance et l'amour de son époux, accomplir une série d'épreuves dictées par la mère de Tinaxda. A la fin, ils vivront ensemble et auront beaucoup d'enfants.

Nous avons le même enchaînement de faits dans le conte de L'Ane d'or: «Exposée à un monstre qui l'emmène dans un palais enchanté où il la comble de bonheur sans que toutefois elle ait le droit de voir de ses yeux son fabuleux époux. Quand elle obtient une entrevue avec ses sœurs jalouses, celles-ci la poussent à tuer le monstre; armée d'un poignard et d'une lampe, Psyché se penche sur Eros; de stupeur, elle laisse tomber une goutte d'huile bouillante sur l'épaule du dieu. Celui-ci la chasse. Pour retrouver Eros, une série d'épreuves dictées par Vénus, parmi lesquelles une descente aux Enfers; et finalement elle épouse Eros, de qui elle a une fille du nom de Volupté.» (cf. Encyclopédie Berbère).

Maintes questions se posent alors, nous allons nous satisfaire de quelques-unes:

-Comment fonctionne-t-il ce conte emboîté au sein de l'histoire de L'Ane d'or?

-Quelle est la première source du conte: le grec, le latin ou tamazight?

-Pourquoi avons-nous le conte de Tinaxda dans sa forme démythifiée?

Revenons à l'histoire du jeune Lucius métamorphosé en âne. Il s'évadera ensuite pour se retrouver monture d'un fermier, d'un jardinier, d'un soldat, d'un pâtissier et d'un cuisinier. A la fin, Lucius retrouve sa forme humaine après avoir ingurgité une rose, et se convertit à la religion d'Isis pour connaître définitivement la «salvation».

Ce voyage, de nature picaresque, sert à décrire surtout l'entourage socio-politique de l'époque. Si le protagoniste de L'âne d'or est la représentation de l'homme dans ses conflits intérieurs, le narrateur apparaît comme un grand alchimiste des mots et des scènes qui narrent l'histoire d'une métamorphose de l'homme en âne, alchimie parfaite qui veut «dire» l'infinie curiosité du protagoniste (l'écrivain). Encore, avons-nous un grand nombre de récits et contes cités; l'emboîtement y est également parfait: il unit dans un même récit amour et haine, dévotion et trahison, fidélité et frivolité, vertu et vice, respect et inceste, tragique et comique, foi et libertinage, et des personnages disparates comme riche et pauvre, brigand et paysan, soldat et commerçant, mégère et vierge, matrone et sorcier… (métamorphoses connues dans les contes nord-africains, influence sur l'écrivain). La métamorphose est nécessaire pour rechercher la vérité des choses; le fait (ou l'objet) se trouve vu / perçu en conséquence d'angles différents. Contrairement à la métempsycose qui est une mutation irréversible, la métamorphose de Lucius est un procès réversible. C'est pourquoi, nous avons le titre mis au pluriel, alors que le récit ceint une métamorphose cyclique, en un aller-retour: homme-âne-homme. N'est-ce pas là, en plus de la métamorphose du protagoniste, celle de l'écrivain qui est bien sûr cité, dans une scène autobiographique, à la fin de l'histoire?

VI - L’Ane d’or, un auto-commentaire idéologique

Tout d'abord, où s'arrête le linguistique dans le roman d'Apulée ? Où commence le social? Où peut-on étudier le linguistique et non le social? Enfin, ne faut-il pas considérer le linguistique comme une partie du social ou vice versa? Certes, le social et le linguistique forment une même et cohérente entité, comme l'avers et le revers d'une monnaie. Il est catégoriquement impossible de parler de l'aspect langagier / linguistique sans se référer au social, et vice versa. Car l'œuvre d'Apulée s'apparente à une croisade poétique, politique, sociale, culturelle et métaphysique. En général, l'histoire de Lucius se veut une expérience idéologique qui déstructure les ressorts internes de la réalité, voire du langage, afin de reconstruire un discours critique amazigh.

La formation de l'artiste se fait progressivement par l'influence de l'écrit (ce qui constitue l'étranger, (le «médiat» ) et par le vécu (sa culture maternelle, l'immédiat). Souvent, les grandes œuvres ne sont que des reproductions du vécu, de la tradition et de la culture mère. Là, nous pouvons parler de l'insertion de l'authenticité dans le cas d'un écrivain qui n'écrit pas dans sa langue maternelle; tout ce qui est original émane de la langue et de la culture maternelles.

Dans l'exemple de L'Ane d'or, il peut être que cette originalité soit manifeste dans la conception du monde qui se précise dans les tribulations de l'âne. Il y a là précisément des thèmes qui peuvent résumer la désorientation de l'être amazigh ou plutôt sa désintégration au sein des remous de l'époque décrite (des brigands, des chevaliers, des montagnards violents…). Par cette vision du monde, le texte devient non seulement une critique de l'existence et de la société, mais également un discours strictement idéologique (la victoire de l'amour pur dans le récit emboîté, et la réincarnation de l'homme pour le récit principal). En outre, quel serait le trait qui maîtrise la vision du monde chez Apulée? Souvent, l'imprévisible représente un élément prédominant dans le roman. Parfois, c'est l'incertain qui pousse l'écrivain à créer: il y a investissement du possible, du hasardeux et de l'imprécis sans désocialiser le roman. C'est pourquoi tout texte, de n'importe quel genre ou typologie, s'offre au lecteur comme un corps chargé idéologiquement, véhiculant un discours précis par le biais du personnage, du narrateur, du texte et de l'auteur qui sont des entités significatives importantes.

D'ailleurs, le protagoniste de L'Ane d'or, par ses actes et spéculations infinies, remet en question toute la société du II siècle. Lucius, bien sûr après l'écrivain, voit sa tâche de jeune curieux vis-à-vis de la société se réduire à mener une recherche du savoir. Ainsi, tout acte se présente en tant que fait critique; parallèlement toute insertion poétique de l'auteur se situe du côté de la réalité, vouée à son analyse.

L'idéologie non seulement préexiste au discours mais également existe au sein de la fiction. Là, elle retrouve une parfaite et adéquate «concrétion». L'auteur ne représente alors qu'un ensemble de faits qui peuvent charrier facilement tout son message vers son lecteur. Une telle représentation démontre l'essence de la conscience partagée entre l'auteur et le lecteur dont les rapports sont essentiellement de nature idéologique; les déstructurer aide l'interprétation à aboutir à d'importants résultats. L'acte d'écrire est essentiellement «lire le réel» et le représenter dans un projet qui ordonne la réalité avant de l'organiser en un système le texte. Tout comme la représentation implique l'idéologie, l'image finie du réel n'existe pas dans l'œuvre des deux écrivains. Il y a plutôt un jeu de réduction.

L'idéologie de l'écrivain réside ainsi dans la structuration de son projet: une œuvre modèle où toute la pensée de l'auteur est mise à nu. En général, la culture se trouve explorée méthodiquement dans ses différentes manifestations. A ce niveau, L'Ane d'or se définit comme un roman par excellence nord-africain, il y est question de l'histoire d'une situation socio-économique en pleine agitation. Une précision historique: le roman est écrit avant la contestation de l'ordre romain, avec l'avènement de Marc Aurèle. Sous ce règne allait commencer l'insurrection des Maurétaniens.

Enfin, la charge idéologique dévoile la part occupée par l'auteur dans un texte, mais implique une structure kaléidoscopique de l'Autre. Afin de rechercher les corrélations entre le moi de l'écrivain et le roman, l'on suppose que cet ego, parallèlement à la fiction, se présente comme un réel positif, c'est-à-dire une structure première où l'origine apparaît implicitement dans les deux espaces, dotée d'une forme, bien sûr, antérieure à la forme finale (littéraire).

VII - Quelques figures…

Prenons hâtivement quelques exemples afin d'illustrer cette insertion des éléments-symboles (formes et contenus) dans le roman, cherchons également leurs significations culturelles:

*L'âne / aghyul: Le protagoniste se métamorphose en âne au lieu d'un volatile (oiseau). Cette mutation répond parfaitement à l'état psychique de Lucius qui est doté d'un esprit volage et hédoniste. Seulement, pourquoi le choix de l'animal «âne» pour narrer une histoire partagée entre l'imaginaire et le réel? La source reste la culture amazighe où cet animal symbolise à la fois la stupidité, mais aussi la malice (cf. à «azedjif n weghyur»), à l'encontre de l'oiseau qui symbolise la légèreté et la frivolité (cf. à «azedjif n wejdid ou n tejditt »). De là, cette métamorphose de Lucius présuppose la tendance à la maturité…





Sur l'intelligence de l'âne, nous lirons un passage «culturellement amazigh»: «L'autre âne, devinant mon intention et me devançant, se mit tout à coup à feindre une extrême fatigue, se laissa tomber avec toute sa charge et resta étendu, comme mort; ni les coups de bâton, ni les coups d'aiguillon, ni les tractions exercées en tous sens sur sa queue, ses oreilles, ses pattes pour le soulever ne parvinrent à en tirer un effort pour se mettre debout, jusqu'au moment où, lassés d'espérer en vain, les brigands, après avoir tenu conseil, décidèrent de ne pas retarder leur fuite (…) tirèrent l'épée et lui tranchèrent les jarrets, enfin, ils le tirèrent un peu à l'écart du sentier et le précipitèrent, respirant encore, du haut d'une pente (…) Alors, moi,, réfléchissant au triste sort de mon malheureux camarade, je décidai de renoncer aux ruses et aux fourberies et de servir mes maîtres en âne sans reproche» (p.94)

Rappelons une série de proverbes/expressions amazighs qui se rapprochent de cette scène d'âne rétif :

«Sekk aghyur, sekk imejjan-nnes.

-Yecca anect min yecca weghyur di tsawent.

-Ma ad ac arigh s udvar n weghyur?!

-Yena-s weghyur: wenni day-i a yartan, ad yecc adan-inu.

-Ij ighars i weghyur, ij yazu-t.

-Yemmut weghyur deg uqemmum n yifri.

-Yeshundart weghyur, yiwedv rhimran i yighyar.

-Ar ad yesghuyy weghyur di rebhar.

-Itacem aghyur, itsedha tbarda.

-Tittawin n wgheyur deg arden.

-Sennej i wur, sadu wur, am tbarda x weghyur.»

Ces citations montrent d'une part l'importance de cet animal au sein de la société amazighe, et d'autre part ses diverses significations allégoriques (quel'écrivain exploite dans la fiction). Bien que l'animal se présente sans parole, il narrera maints événements, décrira des scènes, expliquera des intrigues, élaborera des satires violentes, réfléchira profondément… De même, quoique l'âne représente l'instinct sexuel, il «réfractera» mieux l'image de l'homme qu'il a été auparavant. Cette métamorphose l'emmènerait à délaisser l'univers hédoniste, c'est-à-dire ce comportement quotidien guidé par la passion, à embrasser le raisonnement: ainsi les descriptions et les explications abondent dans le texte. Au fil de son raisonnement, notons que le lecteur découvre une étude sociale et culturelle de l'époque (II siècle).

*Le hibou / muka: Le hibou, animal nocturne et désignant une personne solitaire, est considéré chez les Imazighen comme un présage du malheur, surtout de la mort. Il désigne également la laideur et la vieillesse. Nous lisons dans le roman d'Apulée: «Quel bel, quel aimable amoureux pour le plaisir d'une femme, qu'un hibou! D'ailleurs, ne voyons-nous pas que l'on a grand soin de capturer ces oiseaux de nuit, lorsqu'ils ont pénétré dans une maison, et qu'on les cloue sur la porte, afin d'expier, par leur propre supplice, la catastrophe dont ils menacent les habitants par leur vol de mauvaise augure?» (p.86)

Citons deux expressions populaires en tamazight sur l'oiseau :

«Yegga muka.» (pour dire de quelqu'un qu'il est solitaire.)

- Mara gherben-c ijdvddv arr rhvarr x muka.»

Ici, nous remarquons que cet animal est depuis longtemps persécuté par les nord-africains.

*Le puits / anu: Source de la vie, le puits désigne l'essence. Un puits plein d'eau représente le bonheur pour les paysans car il assure la survie. Synonyme également de l'absent, le puits est un lieu mystérieux où habitent les démons. De même, nous avons l'expression «Wdva deg wanu» pour dire «Se suicider» (cf. Les chansons populaires). Dans L'Ane d'or, nous lisons: «تelle tourna sa colère contre son propre sang: s'entourant d'une corde, elle attacha contre elle, avec ce même lien, le petit enfant qu'elle avait eu de son mari, quelque temps auparavant, et se jeta dans un puits très profond» (p.192) Cette forme de suicide, faisant partie du rituel amazigh, est souvent choisie par une femme trompée par son mari.

oilà l'occurrence du terme «anu» dans une expression figée :

«-Yeggûrar yejja azru yewdva deg wanu.»

Ici, il est synonyme de l'infini, de l'origine.

*Le rêve / turjit: A chaque peuple correspond une philosophie «onirique», un mode de rêver (en tant que production), tout comme une manière de lire (en tant que réception).

Nous lisons: «ne te laisse pas terrifier par les vaines images des songes. Car, non seulement l'on considère comme mensongères les images qui viennent pendant un sommeil de jour, mais encore les rêves nocturnes annoncent bien souvent le contraire de ce qu'ils représentent; Ainsi, pleurer, être battue, parfois même être égorgée présagent gains et heureux profits; au contraire, rire, s'emplir le ventre de bonbons et de douceurs ou s'unir à quelqu'un pour goûter le plaisir de la chair signifieront que la tristesse, la maladie, et autres maux vont vous tourmenter.»» (p.110) Là, nous avons également une explication amazighe des rêves: le négatif dans le rêve renvoie au positif dans le réel.

Précisément, sur cette opposition réel / rêve, l'on dit:

-«Meolik aqzin war itarja itett trid, itiri yemmut.»

Ceci est propre aux rêveurs qui croient aux récits * *La référence identitaire: Dans le roman, le lecteur découvre un personnage nommé «Barbarus» dont les infidélités de sa femme sont narrées (p.211), identiques à celles que l'on raconte dans les contes amazighes. De même, le terme «barbare» est cité dans les paroles d'un berger près de sa femme blessée lors d'une fuite, attaqués par une tribu: «Pourquoi attaquez-vous si cruellement de malheureux voyageurs dans la peine? Pourquoi les lapidez-vous? Quel butin visez-vous? Quel tort prétendez-vous venger? Vous n'habitez pourtant pas des cavernes de bêtes féroces ou des rochers, comme des barbares, pour prendre plaisir à répandre le sang humain?» (p.189) La notion de «barbare» (désignant également le «maure») s'y trouve débattu, voire indirectement mise en question.

Citons un autre passage important à analyser: «Alors, mettant sa main droite sur moi, le vieillard, avec bonté, me conduit aussitôt devant la porte de l'imposant sanctuaire; et, après avoir célébré selon le rite solennel la cérémonie de l'ouverture et accompli le sacrifice du matin, il tire d'un lieu secret, au fond du saint des saints, certains livres écrits en caractères mystérieux, les uns portant des figures d'animaux de toutes sortes qui symbolisaient en abrégé les formules rituelles, les autres renfermant un texte noté avec des signes compliqués, arrondis en forme de roues avec des traits en spirale comme des vrilles de vigne qui en défendaient la lecture contre la curiosité des profanes. Après les avoir consultés, il m'indique ce que je devrai obligatoirement préparer pour servir à l'initiation.» (p.276) De quelle écriture s'agit-il au fait? Ces roues, ne seraient-ils pas les «b», «c», «o», «h», «r», «s» et «*» en tifinagh? Et ces spirales, ne seraient-ils pas les «d», «g», «f»,«k», «p», «h», «i», «q», «l», «w», «x», «y» et «z»? Ce qui renforce notre hypothèse, c'est la description géométrique de l'écriture tifinagh; ces deux formes structurent totalement l'«imaginaire écrit» des Imazighen!

A la fin du roman, le protagoniste «cesse d'être Corinthien pour devenir citoyen de Madaure (Madaurensis). En s'identifiant ainsi avec son personnage, Apulée suggère qu'il n'était pas indifférent aux péripéties antérieurement rapportées, que la destinée de Lucius lui tenait à cœur, et qu'il entendait en tirer des enseignements profitables: il joue en somme les propagandistes de la religion isiaque et, par là, combat peut-être le christianisme qui, à l'époque, se répandait rapidement en Afrique. Le bruit courait dans ce pays que les chrétiens adoraient un dieu à tête d'âne. Le salut de Lucius pouvait par conséquent être interprété comme celui d'une âme momentanément abusée par la «superstition» chrétienne.» (Encyclopédie berbère, p. 824) Là, nous dirons qu'il y a non seulement la récupération de son être profond, mais aussi l'investissement implicite de l'amazighité.

En conclusion…

Il s'avère, pour montrer l'amazighité du texte romanesque, indispensable d'analyser l'entourage socio-politique qui a été derrière l'engendrement de cette littérature. L'Ane d'or n'est pas un texte picaresque, mais plutôt roman initiatique. Son odyssée, en plus de sa signification spatiale, est totalement étatique (de métamorphoses culturelles, identitaires et ontologiques).

H. Banhakeia

mardi 23 juin 2009

Historique de Madaure



Madaure
, (en latin Madaurus ou Madaura) d’où vient le nom de M'daourouch, une ville antique située à 50 km de Thagaste (Souk-Ahras) au nord-est du pays dans les Aurès. Successivement berbère, romaine, vandale et byzantine. C'est sur le site d'une ancienne ville numide que la cité romaine de Madaure, fut fondée sous les Flaviens. Mentionnée dès le IIIe siècle, elle ne survécut pas aux invasions arabes du VIIe siècle. On dit qu'elle fut détruite par ses propres habitants à l'instigation de Kahina, la "reine guerrière" , elle fit aussi pratiquer la politique de la terre brûlée en vue de dissuader l'envahisseur de s'approprier les terres.
Peuplée de riches possédants, cette ville était célèbre par son université, l’une des premières – avec Carthage – du continent africain et le mécénat culturel de ses habitants. Ce qui attirait une foule composite d’hommes de lettres, de philosophes, de grammairiens, de mathématiciens et de rhétoriciens. C'est ainsi qu'Apulée, considéré comme l'auteur du premier roman (L'Âne d'or), y naquit vers 123. A l'époque romaine, Madaure était fréquentée par les étudiants surtout pour son université réputée pour sa spécialisation en philosophie. Parmi eux le Philosophe et le théologien Saint Augustin appelé aussi "Augustin d’Hippone" qui y étudiait dès l'âge de 15 ans.